Boire de l’alcool à Noël, les origines de la tradition

Boire de l’alcool à Noël, les origines de la tradition

Boire de l’alcool à Noël, les origines de la tradition


Les bouteilles sont finalement revenues sur les tablettes de la SAQ avant le temps des fêtes, et, pour plusieurs, c’était minuit moins une. Du mimosa du brunch au mousseux du 31… d’où nous vient cette habitude de consommer de l’alcool à Noël? Le petit Jésus y trouverait-il à redire?


Par Matthew Robert Anderson, Concordia University

Pour les consommateurs de boissons festives, les nouvelles ne sont pas bonnes à l’approche des fêtes: la Guinness ne sera peut-être pas à la carte, ni le vin, puisque le verre nécessaire à sa mise en bouteille se fait de plus en plus rare. Les catastrophes climatiques, comme les inondations en Colombie-Britannique, ont affaibli des chaînes d’approvisionnement déjà en difficulté.

Au Québec, les tablettes de la SAQ ont été vides durant des semaines jusqu’à ce qu’une entente de principe conclue la semaine dernière pour mettre fin au conflit de travail avec les quelque 800 employés d’entrepôts ne permette de poursuivre le réapprovisionnement des succursales.

Au Royaume-Uni, des «trains de vin» pour la période des fêtes sont mis à contribution pour éviter que les rayons des supermarchés se vident. Face à la pénurie de tout, des dindes aux jouets, la priorité donnée à la bière et au vin montre le lien étroit qui existe entre Noël et l’alcool.

C’est un lien qui remonte aux origines de cette fête. Bien que les premiers écrits chrétiens n’indiquent pas la date de naissance de Jésus, sa conception a été associée à l’équinoxe du printemps. Prenant pour hypothèse une grossesse de neuf mois, les chrétiens ont commencé à célébrer sa naissance le 25 décembre.

Il se trouve qu’une fête bien arrosée et quelque peu scandaleuse était déjà présente à cette époque de l’année, du 17 au 23 décembre. Les Saturnales sont, dans l’antiquité romaine, une fête en l’honneur du dieu Saturne. Elles semblent étonnamment familières : distribution de cadeaux, rencontres sociales et consommation excessive d’alcool. Sénèque le Jeune (mort en 65 apr. J.-C.) a écrit : « Nous sommes maintenant au mois de décembre, lorsque la plus grande partie de la ville est en effervescence. » Cette fête mettait aussi l’accent sur les renversements sociaux. Par exemple, les esclaves se voyaient servir un repas comme s’ils étaient temporairement les maîtres.

L’histoire de Noël

L’histoire selon laquelle Noël a délibérément été inventé pour « christianiser » les Saturnales circule parfois, mais elle est inexacte d’un point de vue historique. Au contraire, au fur et à mesure que le christianisme est devenu la religion de l’Empire et que les Saturnales ont disparu, les réjouissances du cœur de l’hiver sont passées d’une fête à l’autre de façon très naturelle.

Au Moyen Âge, la danse et la consommation d’alcool étaient tellement synonymes de Noël que les puritains anglais l’ont interdit de 1644 à 1659. Un prédicateur de l’époque a comparé Noël aux « sacrifices de Bacchus », le dieu romain du vin.

Pourtant, au cœur de ces festivités hivernales, les histoires de justice et d’un monde meilleur perdurèrent. Les «wassailers» appauvris réclamèrent l’accès à de la nourriture et à un abri, au moins le temps d’une soirée.

Istock

Dans son Cantique de Noël de 1843, Charles Dickens et son célèbre personnage Scrooge ont participé à une autre réinvention de cette fête. Dans The Battle for Christmas, l’auteur et historien Stephen Nissenbaum décrit comment des entrepreneurs de l’époque victorienne comme Charles Dickens et ses successeurs du XXe siècle ont su apprivoiser cette période de l’année, qui met aujourd’hui l’accent sur les enfants et la consommation de masse.

Stephen Nissenbaum soutient que les réjouissances entre adultes, comme la surconsommation d’alcool et les relents de scandale lors des fêtes de Noël et des célébrations du Nouvel An font écho au passé bacchanalien de la tradition de Noël.

Grâce à la culture pop, la fête reste intimement associée à l’alcool. En 2016, un billet sur les médias sociaux est devenu viral avec un jeu à boire devant les films de Noël de Hallmark. Les cartes de pointage gardent la trace des moments clichés de films pour descendre un verre : quand deux amoureux s’embrassent, quand il commence à neiger et, notamment, quand certains Scrooge font leur « conversion de Noël. »

Tous des Scrooge

Malgré la commercialisation de Noël, l’accent mis sur l’inversion entre riches et pauvres n’a pas disparu. Charles Dickens disait que son conte «Cantique de Noël» était «l’éveil du fantôme d’une idée» en matière de réforme sociale. Le misérable Scrooge est effrayé par le fait que l’attention portée aux autres est l’essence même de la fête.

Comme tous les personnages du même type qui ont suivi, du Grincheux de Dr Seuss à Candace Cameron Bure dans Un millier de flocons de Hallmark, en passant par Walter Hobbs du film Le lutin, le personnage original, à l’instar de Scrooge, se repent de sa posture anti-humaniste.

Pour montrer qu’il fait passer les gens avant les profits, Scrooge organise même un festin de Noël pour son employé maltraité, Bob Cratchit, et sa famille. Scrooge verse à Bob une tasse chaude d’une boisson enivrante appelée «l’évêque fumeur». Envisageant sa propre mort, Scrooge cherche à améliorer sa vie, et un toast de célébration s’ensuit.

L’apocalyptisme

En tant qu’historien et spécialiste du Nouveau Testament, je ne peux m’empêcher de penser à un autre récit antique qui utilisait des visions de catastrophes imminentes pour améliorer les systèmes en place.

L’apocalyptisme était un ancien mouvement juif auquel Jésus a adhéré. Il s’inspirait de traditions hébraïques telles que la vision de la fin des temps du Livre d’Isaïe, chapitre 55. Dans ce monde post-apocalyptique attendu, les pauvres achètent du bon vin « sans argent » et vivent éternellement dans un royaume de justice et de paix où l’ordre social est aussi inversé qu’une Saturnale permanente.

Je me suis déjà demandé si Charles Dickens ne s’était pas inspiré de l’une des paraboles de Jésus. J’ai également écrit sur l’association des qualités d’un mimosa et de la ferveur anticipatrice dans les premiers textes apocalyptiques juifs et chrétiens.

Ces passages anciens illustrent l’espoir longtemps nourri que les futurs cataclysmes pourraient apporter des cadeaux plus équitables, ce qui, selon les premiers chrétiens, a commencé lors du premier Noël.

Istock

Quand l’alcool a soif d’eau

Cette année, l’apocalypse, l’alcool et Noël se rejoignent une fois de plus au beau milieu de crises environnementales et sociales. Lors des négociations sur les changements climatiques à Glasgow, le Scotch COP26 a été embouteillé à la main «à un jet de pierre des négociations». La Scotch Whisky Association a utilisé cette édition limitée pour présenter ses «engagements en matière de durabilité».

L’alcool a soif d’eau; et les distillateurs, les brasseurs et les viticulteurs sont conscients de son impact sur l’environnement. Le brassage d’une pinte de bière nécessite près de 150 litres d’eau, tandis qu’il faut au vin environ deux tiers de cette quantité. L’une des raisons pour lesquelles les Écritures hébraïques font davantage référence au vin qu’à la bière est que la Palestine antique était une région privée d’eau où la production de vin était bien plus naturelle.

Charles Dickens savait, comme les universitaires en sciences humaines, que les histoires façonnent les sociétés. Face à nos propres ténèbres, le « fantôme d’une idée » de Charles Dickens et son récit archétypal d’une conversion de dernière minute pour le bien commun sont plus pertinents que jamais.

À l’instar de Scrooge, nos dirigeants politiques et nos chefs d’entreprise ont un choix à faire : faire passer les gens avant les profits ou ne penser qu’au bilan financier. Comme les climatologues le disent depuis longtemps, il est minuit moins une.

Alors que les rayons des supermarchés se vident et que les « trains de vin » circulent, les anciens rêves hivernaux en matière d’égalité et de justice pour l’humanité devront encore attendre.

Matthew Robert Anderson, Affiliate Professor, Theological Studies, Concordia University

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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À propos de l'auteur : Journal Métro

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