Le ministre Christian Dubé a invité jeudi les Québécois à annuler leurs activités de l’Action de grâce et tout autre rassemblement au cours des prochaines semaines pour casser la deuxième vague de COVID-19. Le nombre de cas recensés dans la province est en hausse constante depuis plus d’une semaine.
« Est-ce que les gens devraient annuler leurs activités pour l’Action de grâce ? Je pense que c’est une très bonne question, puis je réponds clairement oui, parce que si on annule les activités comme celles-là qui malheureusement font partie de nos traditions, bien, je vous dis, on a peut-être plus de chances d’avoir un beau Noël », a répondu le ministre de la Santé à la question d’une journaliste.
En début de conférence de presse, M. Dubé avait invité les Québécois à limiter leurs contacts sociaux pour éviter la transmission du coronavirus, peu importe la région dans laquelle ils se trouvent. « Si on continue comme ça, on va le frapper, le mur », a-t-il mis en garde.
« Vous pouvez faire une différence demain soir, a-t-il ajouté. Demain soir, vous pouvez éviter d’aller au restaurant. Je n’aime pas ça dire ça parce que j’ai des commerces que ça va affecter. Par contre, j’aime bien mieux dire : pendant les prochaines semaines, évitez les contacts parce que peut-être que dans un mois on aura réussi. »
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Comme pour lui donner raison, le nombre de cas a encore augmenté jeudi, passant de 471 à 582. Le nombre d’hospitalisations s’est accru de 6, pour un total de 184, dont 31 aux soins intensifs. Un nouveau territoire est passé au jaune. Il s’agit de la Municipalité régionale de comté (MRC) d’Avignon, en Gaspésie. Le reste de la région, y compris les Îles-de-la-Madeleine, reste en zone verte. Les autres régions déjà en zone jaune ou orange conservent le même code de couleur.
La propagation de la COVID-19 a surtout lieu présentement dans les rassemblements familiaux et amicaux. Les Québécois devraient donc se limiter, selon le ministre, « à ce qui est vraiment nécessaire » comme se rendre au travail ou à l’école et « éviter le plus possible les soupers de famille, les soupers, les rencontres entre amis, les barbecues, les anniversaires, les mariages, les funérailles, et toutes les occasions où on multiplie les contacts ».
« On a le choix, en ce moment — puis c’est un choix d’équilibre —, entre un confinement qu’on a connu, pour lequel on ne veut pas retourner, et de faire des sacrifices au niveau de nos contacts sociaux », a résumé M. Dubé.
Le gouvernement Legault, qui avait indiqué qu’il n’envisageait pas de confinement total comme lors de la première vague, a-t-il changé d’idée ? « Non, a répondu le ministre de la Santé. Si on veut être capables de continuer à rester déconfinés, d’être capables d’aller travailler, d’être capables d’aller à l’école, de protéger notre réseau de santé, bien, il faut continuer à suivre les mesures sanitaires parce que, si on ne les suit pas, bien c’est là qu’on ne sera plus capables de garder cet équilibre-là. Puis là on met en danger, je le répète, notre réseau de santé, nos enfants, qui veulent retourner à l’école. On met en danger notre économie parce qu’on ne pourrait pas garder les commerces ouverts. »
La pandémie a causé jusqu’à maintenant 5810 décès au Québec depuis le mois de mars, dont une large part est survenue dans les centres d’hébergement de soins de longue durée (CHLSD).
Faire les choses autrement
Le directeur national de santé publique a reconnu qu’il aurait fait les choses différemment en mars s’il avait eu davantage d’information sur la transmission asymptomatique du coronavirus à ce moment-là. Des chercheurs du Laboratoire de santé publique du Québec (LSPQ) et du Centre de génomique de l’Université McGill ont récemment déterminé que 247 personnes qui avaient voyagé à l’étranger durant la semaine de relâche scolaire sont à l’origine de l’épidémie au Québec.
Le gouvernement avait demandé le 12 mars à tous les voyageurs qui revenaient d’un pays étranger de se placer en isolement volontaire durant 14 jours pour éviter la propagation du virus. Cet isolement était obligatoire pour tout le personnel de la santé, de l’éducation et des services de garde, mais il n’était pas rétroactif. Or, la semaine de relâche s’est terminée le 6 mars dans la majorité des écoles au Québec.
« Est-ce que j’ai des regrets ? C’est difficile de regretter, a répondu le Dr Horacio Arruda à la question du Devoir. Si j’avais su que le virus se transmettait chez les asymptomatiques, les choses auraient été différentes. Le niveau de connaissance, à cette époque-là, n’était pas du tout le même.
« Mais il faut dire que les voyageurs sont rentrés au Québec, aussi, parce que les frontières n’ont pas été fermées », a-t-il ajouté en rappelant l’inaction du gouvernement fédéral à l’époque.
Pourquoi ne pas avoir fait preuve davantage de précaution en demandant l’isolement volontaire rétroactivement à la fin de la semaine de relâche ? De nombreux voyageurs étaient déjà rentrés, a fait valoir le Dr Arruda. « Il ne faut pas oublier aussi qu’il y avait des travailleurs de la santé qui revenaient de l’extérieur, mais on n’avait pas l’impression que, s’ils étaient asymptomatiques, ils contamineraient [les autres], a-t-il affirmé. On avait besoin de ressources pour offrir des soins. Comprenez-vous, c’est tout ça, comme éléments, là, parce que si on avait fait rétroactif, il y a toute une série, probablement, de travailleurs de la santé qui n’auraient pas pu se présenter et qui offraient des services essentiels. »
Dans une entrevue à l’émission Enquête jeudi, la ministre responsable des Aînés, Marguerite Blais, jette une partie du blâme pour l’hécatombe dans les CHSLD sur le Dr Arruda. Le directeur national de santé publique, qui n’avait pas encore pris connaissance des propos de la ministre, a préféré ne pas commenter. Il a toutefois offert cette réponse : « Moi, je pense qu’on peut essayer de trouver des coupables dans plein d’éléments, a-t-il dit. Le système de santé, c’est un système excessivement complexe qui fait appel à énormément d’acteurs, qui est le résultat d’énormément de décisions qui ont été prises dans le temps. »
Régions du Québec par palier d’alerte
Côte-Nord
Nord-du-Québec
Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine*
Lanaudière*
Laurentides*
Mauricie-et-Centre-du-Québec*
Saguenay–Lac-Saint-Jean
Nunavik
Terres-Cries-de-la-Baie-James
Jaune
Bas-Saint-Laurent
Capitale-Nationale*
Estrie
Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine (MRC d’Avignon)
Lanaudière (MRC Les Moulins MRC L’Assomption)
Laurentides (MRC de La Rivière-du-Nord, MRC de Deux-Montagnes, MRC de Mirabel, MRC de Thérèse-De Blainville)
Mauricie-et-Centre-du-Québec (territoires au sud du fleuve Saint-Laurent)
Montérégie
Orange
Capitale-Nationale (agglomération de Québec incluant Saint-Augustin-de-Desmaures, L’Ancienne-Lorette et Wendake, MRC de la Jacques-Cartier, MRC de la Côte-de-Beaupré, MRC de l’île d’Orléans)
Chaudière-Appalaches
Laval
Montréal
Outaouais
Rouge
Aucune
* Certaines régions se retrouvent dans plus qu’une zone selon la progression du virus
Source: gouvernement du Québec